Résumé
« Elle avait 102 ans. C’était la fin de l’été 2018. Ma grand-mère a fait le choix de quitter la France pour venir mourir en Belgique. Le choix d’une mort « douce et facile » – euthanasia en grec. Je reviens sur ce qui a précédé son exil éphémère et mes souvenirs de cette difficile traversée. À partir des traces sonores que j’en ai gardées, je convoque un petit théâtre de poupées et d’objets, réunis mes proches, mes amis, le docteur Frankenstein et Chantal Goya, et retisse un monde autour de ma grand-mère partie dans une étrange quiétude ». (Karine Birgé)
L'avis de Tënk
Il est toujours difficile de regarder un film lorsqu’on a les yeux embués de larmes. Mais devant Bon Voyage, les larmes de joie ont tendance à se mêler à la tristesse. C’est tout le sel de ce projet à la fois artistique et sociétal : à travers un récit très personnel, celui du parcours de la grand-mère de la réalisatrice vers sa fin choisie, désirée, assumée jusqu’au bout, le film s’insère avec beaucoup de réussite dans une conversation plus large, on pourrait dire « civilisationnelle ». On ne sait toujours pas si l’art peut changer le monde mais il peut en tout cas contribuer à informer sur les façons de l’améliorer. Karine Birgé s’amuse à tordre le cou du film « à sujet de société », en déployant une grammaire visuelle très riche : un théâtre d’objets animé façon stop-motion, nourri d’archives (photos, documents vidéo, messages et enregistrements téléphoniques) et de scènes théâtrales à la la limite du baroque. Elle va même jusqu’à convoquer Chantal Goya, ce qui confère au projet son « inquiétante étrangeté », par l’espèce de halo mémoriel que cela provoque. Film-collage intime et pourtant universel, Bon Voyage réussit à tenir sur toutes ses jambes, mû à la fois par le souvenir et par le combat.
Benoît Hické
Programmateur et enseignant