Laura Poitras sait nous faire rencontrer des personnages fascinants. On ne sait pas comment regarder Nasser El-Bahri, alias Abou Jandal. On ne sait pas comment apprécier son sourire, son abord ouvertement séducteur, ses récits, et ce qui ressemble à une grande liberté de parole. On ne sait pas où est là-dedans la vérité – celle de son passé à proximité d'Oussama ben Laden, ni celle de sa repentance. Voilà un personnage complexe et contradictoire : on ne sait pas comment le juger.

Et de l'autre côté de l'Atlantique et des barbelés de Guantanamo il y a son beau-frère en miroir. Lui, les États-Unis savent très bien comment le juger, avant même de le juger. Du tissage de ces deux personnages, Poitras fabrique une histoire vertigineuse, dans laquelle la « guerre contre le terrorisme » révèle sa complexité, ses excès et ses zones d'ombre, à l'image de celles d'Abou Jandal.

Jérémie Jorrand
Responsable de l'éditorial et de la programmation de Tënk