Résumé
Beshar, kurde d’Irak réfugié à Genève depuis dix ans, attend de faire venir sa famille, en vain. Reclus dans un appartement, il lui est interdit de travailler ou de quitter la Suisse. Dans un présent immobile, il attend.
L'avis de Tënk
Beshar ne parle pas, Beshar ne parlera pas. À qui parler ? De quoi parler ? À quoi bon parler, aussi, quand la violence des politiques migratoires – en l'occurrence suisses (mais dont la cruauté est semblable à celle de nombre de pays européens, la France en tête) – fabrique volontairement de l'impuissance. Prenant acte que les mots seront ici insuffisants à dire, la cinéaste Nadège Abadie capte les gestes et les regards de Beshar. Ses menues actions – se raser, repasser ses vêtements –, ses activités triviales – se promener aux abords du lac de Genève – prennent une tonalité éminemment grave et mélancolique. Pas de mots mais en même temps, tout parle, qu'il s'agisse de la relation de confiance entre filmé et filmeuse, ou de la multiplicité des états émotionnels traversés. Avec son montage aussi méticuleux que patient, où les scènes du quotidien alternent avec des plans de mer ou de ciel (échappées teintées d'angoisse), Beshar condense avec pudeur et précision l'insoutenable violence faite à cet homme réfugié, contraint à l'attente.
Caroline Châtelet
journaliste, critique dramatique