Sedina, Jasmina et Senada portent le poids du silence et de la solitude. Dans un centre de psychothérapie, Laurent Bécue-Renard filme au fil des saisons l’élaboration d’un chemin vers la parole. La force de son approche est de mêler à l’intimité de sessions où s’ouvrent les vannes du souvenir l’attention aux temps quotidiens et aux soins qui font éprouver une paix nouvelle. Aux paroles de Sedina disant qu’elle n’est pas normale succède un plan où elle lave son fils. Le montage donne à voir le mouvement de la thérapie dans ces frottements entre ce qui se dit, ce qui se fait et ce que les corps traduisent à leurs manières, symptômes de douleurs enfouies ou signes d’un retour de vitalité, larmes et danse. Il faut passer par une maison séparée du monde pour restaurer son image et pouvoir ressortir. Les manifestations qui ponctuent le récit l’indiquent : les femmes portent aussi une colère et un désir de vérité. C’est dire si ces blessures intimes nous regardent et regardent la société.

Romain Lefebvre
Critique et enseignant