Destruction matérielle et psychique, la guerre est une grande opération de déliaison. Comment relier cette mise en scène officielle où les vétérans célébrés agitent des drapeaux et l’expérience traumatique exposée au sein de la thérapie de groupe ? Comment relier la peur et la rage rentrée, et les rôles attendus d’époux et de père ? Parfois brutaux, les contrastes du montage prennent en charge cette brisure tout en rendant sensible comment l’effort douloureux d’expression et d’acceptation au sein du groupe soulage progressivement les rapports avec des proches devenus lointains. Comme si l’expérience du tournage prolongeait celle de la thérapie, les couples se mettent ainsi sous l’oeil de la caméra à discuter des difficultés. Dans une pluralité de trajectoires et sans remède certain, Of Men and War montre des tentatives de se raccorder à la vie. Il s’attache à des visions simples arrachées au gouffre des souffrances, comme des mains qui se tiennent et attestent qu’un lien perdure.

Romain Lefebvre
Critique et enseignant